AcquĂ©rirdes Ă©lĂ©ments de la culture Sourde. Etre capable d'Ă©tablir la communication avec un Sourd (niveau A1.1 du CECRL visĂ©) comprendre les signes familiers concernant son environnement proche (Ă©tudes, famille, etc.) se prĂ©senter, parler de soi. interagir : rĂ©pondre Ă des questions simples et en poser.La langue des signes française, ou LSF, est utilisĂ©e par plus de 100 000 personnes en France. Langue Ă part entiĂšre, elle est dotĂ©e dâune syntaxe et dâune grammaire qui permet des inventions artistiques et des dĂ©tournements littĂ©raires. La LSF est considĂ©rĂ©e, depuis 2008, comme langue de la RĂ©publique ». Pourtant, elle peine Ă se faire connaĂźtre et reconnaĂźtre. En Bretagne, notamment Ă Rennes, plusieurs structures, entreprises ou associations, encadrent lâapprentissage et lâexercice de cette langue. Tour dâhorizon. Les origines dâun malentendu Philippe Angele Nous avons pris langue et rencontrĂ© Philippe Angele, directeur de Visuel Bretagne, un centre de formation de la LSF sis Ă Rennes. Un interprĂšte traduisait notre conversation. Le directeur tient Ă ce que la singularitĂ© de cette langue â la beautĂ© du geste, pourrait-on dire â soit exprimĂ©e. On la parle depuis la nuit des temps », signe-t-il en souriant. Pourtant, il constate un manque de reconnaissance » Ă lâĂ©gard de la LSF, particuliĂšrement en France. Il nous lâexplique par un aperçu historique stimulant. Avant 1880, les sourds avaient un bon niveau les sourds Ă©taient bien instruits et faisaient des mĂ©tiers intellectuels », nous raconte-t-il. En 1760, LâabbĂ© Charles Michel de lâĂpĂ©e fut le premier entendant Ă sâintĂ©resser Ă une vĂ©ritable langue des signes. Il est Ă lâorigine dâune instruction collective et de lâinstitut national des jeunes sourds. LâabbĂ© Charles Michel de lâĂpĂ©e Un congrĂšs sâest tenu Ă Milan, en 1880, organisĂ© Ă lâinsu des personnes sourdes, poursuit Philippe Angele. Lâobjectif, câĂ©tait de montrer que, grĂące Ă une Ă©ducation oraliste, on pouvait faire parler les sourds. Un vote a dĂ©cidĂ© que la langue des signes devait ĂȘtre interdite pour lâinstruction des sourds. Aux Etats-Unis, ce fut le contraire. La langue des signes a continuĂ© Ă se pratiquer. Câest Ă partir de lĂ que lâEurope a pris beaucoup de retard, notamment par rapport aux Etats-Unis ». Aujourdâhui encore, le manque de reconnaissance se fait sentir. Philippe Angele constate En ce moment, nous vivons une pĂ©riode dâĂ©lection prĂ©sidentielle nous nâavons pas accĂšs aux dĂ©bats et programmes des candidats. Nous sommes trĂšs peu informĂ©s ». Les structures en Bretagne Aujourdâhui, il convient de rattraper ce retard ». Pour habiter une langue », selon lâexpression de lâĂ©crivain Cioran, il faut avant tout en apprendre les rĂšgles. Visuel, créé en 1990 Ă Paris », avait pour objectif dâharmoniser lâenseignement de la langue des signes ». A Rennes et en Bretagne, Visuel rĂ©unit chaque annĂ©e environ 2500 personnes. La formation suit les objectifs des cycles A1, A2, B1, B2 du Cadre EuropĂ©en Commun de RĂ©fĂ©rence pour les Langues CECRL ». Nous avons un certain nombre de formations qui sâadressent Ă tous les publics, aux parents, aux enfants, sourds, malentendants ou non, aux salariĂ©s, Ă tous ceux qui veulent venir apprendre la langue des signes. Ils peuvent venir dans nos locaux. Nous nous dĂ©plaçons aussi, Ă lâextĂ©rieur, en Bretagne, notamment dans les entreprises, pour sensibiliser » nous explique Philippe Angele. Dâautres entreprises ou associations offrent des formations Ă Rennes et en Bretagne, notamment Urapeda. On sait que lâUniversitĂ© de Bretagne Occidentale propose une formation professionnelle en deux ans. Un annuaire en ligne donne une liste non exhaustive mais vraiment complĂšte des structures bretonnes liĂ©es Ă la LSF. La langue des signes française a trouvĂ© sur internet un moyen dâexpression nĂ©cessaire. MalgrĂ© la fermeture de web sourd, le premier mĂ©dia Ă destination des sourds et malentendants, on trouve dâautres plateformes et sites chaĂźnes YouTube, dictionnaire vidĂ©o en ligne, cours en ligne, recherche dâemplois. Des usages de la LSF Lâusage de la LSF se satisfait Ă elle-mĂȘme comme langue, elle est riche en expressions et, dans son cas, en expressivitĂ©. Elle sâavĂšre mĂȘme surprenante lâamour, par exemple, figure deux mains, comme des marionnettes, dont les deux bouches se font un baiser. Nicolas Sarkozy est quant Ă lui reprĂ©sentĂ© par la forme pointue de ces sourcils ! Plusieurs phĂ©nomĂšnes, de tradition oraliste, tendent Ă gommer la singularitĂ© de cette langue. Or, elle est rĂ©gie par des rĂšgles internes particuliĂšres. Prenons le temps, dans la LSF comme il nâexiste pas de conjugaison, le signeur situe lâaction sur une ligne temporelle. De mĂȘme, sa grammaire est en 3D, ce qui permet dâexprimer plusieurs idĂ©es de maniĂšre simultanĂ©e. Comme nous lâexplique Philippe Angele, lâune des grandes prĂ©occupations de Visuel touche au monde du travail ». Les sourds ou malentendants peinent, non seulement Ă occuper certains postes, notamment qualifiĂ©s, mais se retrouvent souvent, au travail, en situation dâisolement. La sensibilisation et lâoffre de formation proposent aux acteurs du monde du travail dâacquĂ©rir au moins les bases de la LSF. Et la culture ? Est-elle accessible aux sourds et malentendants ? A Rennes, aux Champs Libres, des efforts sont rĂ©alisĂ©s pour faciliter lâaccĂšs Ă la culture pour les sourds et malentendants boucle magnĂ©tique, rendez-vous en LSF ou encore un pĂŽle culture sourde Ă la bibliothĂšque. Entre autres, plusieurs institutions culturelles proposent des temps forts autour de la LSF, comme le Triangle ou le Théùtre du Cercle. Plusieurs figures nationales et locales oeuvrent Ă donner Ă cette langue ses lettres signĂ©es de noblesse. Pensons Ă la comĂ©dienne ClĂ©mence Colin ou, plus originale, la rappeuse LaĂ«ty, qui traduit le hip-hop en langue des signes française. Consulter le site de Visuel LSF Coursde langue des signes gratuits. La langue des signes est un outil primordial et incroyable pour aider et participer au dĂ©veloppement cognitif de son enfant sourd. AurĂ©lien Mancino,
Aujourdâhui encore, la langue des signes reste majoritairement utilisĂ©e par les personnes sourdes ou muettes et leur entourage. Globalement, assez peu de personnes entendantes y sont familiĂšres. Ainsi, la barriĂšre entre entendants et malentendants peut sâavĂ©rer difficile Ă franchir. Dâautant plus quâen pleine pandĂ©mie, les masques nâaident pas le quotidien des personnes sourdes. Pourtant, les avancĂ©es technologiques permettent de faire des merveilles. Deux Ă©tudiants de lâUniversitĂ© de Washington ont créé des gants qui traduisent la langue des signes en langage audible. On vous explique la technologie. SignAloud traduire les mouvements en langage audible En 2016, Thomas Pryor et Navid Azodi sont Ă©tudiants Ă lâUniversitĂ© de Washington quand un concours est lancĂ© au Lemelson MIT. Ces deux ingĂ©nieurs dĂ©cident de tenter le coup et prĂ©sentent leurs gants qui traduisent la langue des signes. Le but de ces gants est de faciliter la communication entre personnes malentendantes et entendantes. Ce problĂšme de communication, Navid Azodi lâa vĂ©cu plus jeune. En effet, il nâa pas parlĂ© avant ses 7 ans. Le pari des deux Ă©tudiants est rĂ©ussi et ils gagnent le premier prix du concours. Mais ce qui est vraiment intĂ©ressant, câest leur prototype. Ainsi, ces gants contiennent des capteurs qui enregistrent les mouvements des mains, qui signent, et qui envoient les donnĂ©es par Bluetooth Ă un ordinateur. Ce dernier traduit les gestes en paroles, retransmis via une enceinte. Le tour est jouĂ© ! Mais pourquoi vous parler de cette invention, cinq ans aprĂšs ? Tout simplement parce que la vidĂ©o des deux ingĂ©nieurs prĂ©sentant leur prototype refait surface aujourdâhui et redevient virale sur les rĂ©seaux sociaux. đ§€ Ces gants intelligents transforment la langue des signes en langage audible. Une belle invention des Ă©tudiants du Washington State University qui a reçu le prix Lemelson-MIT, et quâon aimerait voir se dĂ©velopper ! †â Le MĂ©dia Positif đ LMPositif December 6, 2021 Malheureusement, il semblerait que malgrĂ© les annĂ©es qui passent, SignAloud nâa pas Ă©tĂ© rĂ©ellement dĂ©veloppĂ© et reste, pour le moment, Ă lâĂ©tat de prototype. Cependant, depuis, dâautres ingĂ©nieurs ont, eux aussi, voulu apporter leur pierre Ă lâĂ©difice. Ainsi, lâannĂ©e derniĂšre, des chercheurs de lâUniversitĂ© de Californie Ă Los Angeles UCLA dĂ©voilaient, eux aussi, un gant permettant de traduire la langue des signes sur un smartphone Ă moindre coĂ»t. Pour le moment, malgrĂ© plusieurs prototypes prĂ©sentĂ©s dans diffĂ©rentes universitĂ©s, aucun gant traduisant la langue des signes nâest commercialisĂ©. Mais on a bon espoir de voir, prochainement, lâun de ses prototypes lancĂ© dans la cour des grands. Et ça, ça changerait le quotidien de nombreuses personnes. En attendant, si vous ĂȘtes intĂ©ressĂ© par la langue des signes, vous pouvez la dĂ©couvrir sur Tiktok avec notamment Camilletesigne. La jeune fille sensibilise sa communautĂ© Ă cette cause depuis maintenant trois ans et nous avions Ă©changĂ© avec elle Ă ce sujet en dĂ©but dâannĂ©e.
Voici quelques dates qui ont marquĂ© la vie des Sourds, en LâabbĂ© de lâEpĂ©e PremiĂšre Ă©cole pour sourds qui deviendra lâInstitut national des jeunes sourds, aujourdâhui Institut Saint-Jacques, Ă Paris1864 Laurent Clerc ouvre la premiĂšre Ă©cole dâenfants Sourds amĂ©ricains Ă la demande du pasteur Thomas Hopkins Gallaudet1880 le CongrĂšs de Milan signe lâinterdiction de la LSFLâensemble des pays europĂ©ens et les Etats-Unis se rĂ©unissent Ă Milan afin de dĂ©cider quelle mĂ©thode est la plus adaptĂ©e pour lâĂ©ducation des Sourds La mĂ©thode gestuelle LSF ou la mĂ©thode orale lecture sur les lĂšvres et production de motsA lâissue du CongrĂšs de Milan, la LSF est INTERDITE dans lâensemble des pays participants, hormis les Etats-Unis et lâAngleterre.1970 Le rĂ©veil sourd » 1976, Le ministĂšre de la SantĂ© abroge lâinterdit qui pĂšse sur la langue des Visuel Théùtre IVT Ă Paris ouvre se Le minitel permet aux Sourds de communiquer entre eux Ă Lâamendement âFabiusâ qui reconnaĂźtra aux familles le droit de choisir la communication dans lâĂ©ducation de leurs enfants1993 Emmanuelle Laborit comĂ©dienne sourde, reçoit le MoliĂšre de la rĂ©vĂ©lation théùtrale pour son rĂŽle dans Les Enfants du le mĂȘme temps, le mĂ©tier dâinterprĂšte en LSF/français se professionnalise et est validĂ© par un 11 fĂ©vrier 2005, le SĂ©nat a reconnu officiellement la LSF est donc dĂ©sormais considĂ©rĂ©e comme une langue Ă part La LSF figure pour la premiĂšre fois en tant quâoption au BaccalaurĂ©at Les premiers CAPES en LSF sont dĂ©cernĂ©s. I est donc possible maintenant dâeffectuer une formation pour devenir professeur de LSF.TrĂšsproche des enseignants en langue des Signes, Patrice Dalle Ă©tait Ă lâĂ©coute des besoins et nâavait de cesse de chercher, dâinnover et dâexpĂ©rimenter des outils pour lâenseignement en Langue des Signes. Lorsque, en 2011, nous dĂ©cidĂąmes de nous lancer dans ce qui deviendra, quelques annĂ©es plus tard SignâMaths, Patrice
Les gens sont souvent surpris dâapprendre quâil y a plusieurs langues des signes. Il en existe en effet plus de 300, sans compter les dialectes. Faisons un petit tour dâhorizon des langues des signes Ă travers le monde. Quâest-ce quâune langue des signes ? Il sâagit dâun systĂšme de communication utilisant les gestes, les expressions faciales et le langage corporel pour transmettre un message. Chaque langue des signes possĂšde un lexique, une grammaire et une syntaxe qui lui sont propres. Chacune est aussi riche et variĂ©e que les langues parlĂ©es. La langue des signes amĂ©ricaine ASL est la langue des signes la plus rĂ©pandue dans le monde. On lâutilise aux Ătats-Unis et au Canada ainsi que dans certaines parties du Mexique, dâAfrique et dâAsie. Elle sâest dĂ©veloppĂ©e aprĂšs que la langue des signes française LSF fut importĂ©e aux Ătats-Unis en 1817 par Thomas Gallaudet et Laurent Clerc. Elle sây est alors mĂ©langĂ©e aux langues indigĂšnes locales pour crĂ©er ce quâon appelle aujourdâhui lâASL. Ă lire Ă©galement Comment apprendre la langue des signes ? Imaginez des langues connectĂ©es Ă la maniĂšre dâun arbre gĂ©nĂ©alogique. LâASL est un descendant de la LSF. Elle nâest pas du tout liĂ©e Ă lâanglais. Dâautres pays anglophones utilisent des langues des signes issues dâun arbre linguistique diffĂ©rent. En Grande-Bretagne, on signe gĂ©nĂ©ralement en langue des signes britannique BSL. Cette langue fait partie de lâarbre BANZSL, qui rassemble Ă©galement les langues des signes australienne AUSLAN et nĂ©o-zĂ©landaise NZSL. Toutes ces langues partagent les mĂȘmes racines et certains signes similaires. Les signeurs qui utilisent des langues diffĂ©rentes ne peuvent pas se comprendre entre eux. Car ces systĂšmes ne sont pas mutuellement intelligibles. Ă lire Ă©galement Jâai appris Ă combiner la langue des signes et la parole pour communiquer DĂ©velopper les langues des signes Il est impossible de dire avec prĂ©cision combien de langues des signes existent Ă travers le monde. Selon les estimations, ce nombre se situe gĂ©nĂ©ralement entre 150 et 300. Les langues des signes se forment souvent au sein de petites communautĂ©s isolĂ©es, il est donc difficile de les Ă©tudier. Des communautĂ©s qui sont pourtant trĂšs proches gĂ©ographiquement peuvent utiliser des langues des signes totalement distinctes. Il est mĂȘme courant pour les langues des signes de varier dâune Ă©cole pour sourds Ă lâautre au sein dâun mĂȘme pays. Ă lâheure oĂč nous parlons, de nouvelles langues sont en plein dĂ©veloppement. Elles peuvent Ă©merger trĂšs vite grĂące au processus de crĂ©olisation un mĂ©lange de langues existantes ou bien se crĂ©er en partant de rien. MalgrĂ© leur prĂ©valence, les langues des signes sont considĂ©rĂ©es comme des langues minoritaires. De ce fait, il existe moins de recherche et de documentation Ă leur sujet. Avant que lâASL ne se dĂ©veloppe, une personne sourde qui voyageait entre les diffĂ©rents Ă©tats amĂ©ricains ou mĂȘme simplement entre villages croisait diffĂ©rentes langues des signes et pouvait donc avoir du mal Ă se faire comprendre. Martin Heavy Head Jr. expliquait Ă la chaĂźne CBC que la langue des signes des Indiens des Plaines LSIP, quâil a apprise en grandissant, servait couramment pour conclure des traitĂ©s entre les diffĂ©rentes nations des Plaines comme les Cris, les Crows, les Sioux et les Gros Ventres une lingua franca, Ă lâinstar de lâanglais utilisĂ© aujourdâhui pour les confĂ©rences internationales. Ce principe leur permettait ainsi dâĂ©viter tout malentendu liĂ© aux diffĂ©rences entre langues parlĂ©es. Les membres de sa tribu sont en rĂ©alitĂ© habituĂ©s Ă signer, quâils soient *sourds ou entendants. Les langues des signes de village LâOrganisation mondiale de la santĂ© estime quâenviron 5 % de la population mondiale est atteinte de surditĂ©. Dans certaines rĂ©gions du monde, ce taux est mĂȘme bien supĂ©rieur. Dans les endroits oĂč lâon rencontre un taux de surditĂ© Ă©levĂ©, les locaux crĂ©ent rapidement et naturellement des langues des signes. Elles sont souvent utilisĂ©es indiffĂ©remment par les citoyens sourds et entendants. Ces langues des signes sont appelĂ©es langues indigĂšnes locales ou langues des signes de village. Elles nâont en gĂ©nĂ©ral aucun lien avec les langues parlĂ©es dans la rĂ©gion ni avec aucune autre langue signĂ©e. Elles Ă©mergent simplement lĂ oĂč le besoin de communiquer se fait ressentir. La langue des signes de Marthaâs Vineyard MVSL sâest dĂ©veloppĂ©e lorsque des colons sourds ont dĂ©barquĂ© sur cette Ăźle du Massachusetts au 17e siĂšcle. Environ une personne sur 25 y Ă©tait sourde en raison dâun gĂšne hĂ©rĂ©ditaire. La communautĂ© tout entiĂšre utilisait donc la langue des signes pour communiquer. La surditĂ© nây Ă©tait pas considĂ©rĂ©e comme un obstacle ni mĂȘme une caractĂ©ristique distinctive dâun individu. Pour tout dire, les citoyens sourds Ă©taient gĂ©nĂ©ralement plus instruits que leurs homologues entendants, car on les envoyait au Hartford Asylum, oĂč ils bĂ©nĂ©ficiaient dâun enseignement. Ils Ă©taient et sont encore des membres hautement respectĂ©s de leur communautĂ©. De la mĂȘme façon, les communautĂ©s Maijuna au cĆur de lâAmazonie pĂ©ruvienne ne qualifient pas les individus de sourds. La surditĂ© nâest pas considĂ©rĂ©e comme une dĂ©ficience ou un handicap. Les personnes qui nâont pas appris Ă parler peuvent tout simplement signer Ă la place. Elles utilisent une forme de communication diffĂ©rente, loin de tout phĂ©nomĂšne de mĂ©dicalisation. Kata Kolok, IndonĂ©sie Dans le village de Bengkala en IndonĂ©sie, il existe une langue des signes du nom de Kata Kolok » le parler des sourds » en indonĂ©sien. La moitiĂ© des membres entendants enget » de la communautĂ© ont dĂ©cidĂ© dâapprendre cette langue pour communiquer avec les sourds kolok », ce qui favorise la mixitĂ© sociale. Câest une langue drĂŽle et animĂ©e. Des comĂ©diens enjouĂ©s du village prennent un malin plaisir Ă lui ajouter sans cesse de nouveaux signes. Si votre destin est de naĂźtre sourd, alors câest sans nul doute le meilleur endroit pour grandir ! », a dĂ©clarĂ© I Ketut Kanta, le porte-parole de lâAlliance des Sourds de Bengkala, Ă la BBC. Membres hautement respectĂ©s de la sociĂ©tĂ©, les Kolok » sont perçus comme des individus forts et intrĂ©pides. Au travail, les sourds gagnent autant que leurs pairs entendants et occupent des fonctions importantes au sein de la sociĂ©tĂ©. Autrefois, on attribuait la surditĂ© Ă une malĂ©diction. On a toutefois dĂ©couvert rĂ©cemment un gĂšne rĂ©cessif, baptisĂ© DFNB3, comme Ă©tant Ă lâorigine de cette anomalie. La langue des signes dâAdamrobe au Ghana Adamrobe est une petite communautĂ© nichĂ©e dans une vallĂ©e en cuvette au pied des collines dâAkuapem au Ghana. Elle abrite le plus grand nombre de personnes sourdes du pays. Selon un rapport, cela concernerait en effet 50 de ses 1 800 habitants, soit le double de la moyenne mondiale. Dans cette communautĂ©, entendants et sourds parlent avec leurs mains. La communautĂ© encourage les enfants entendants autant que les enfants sourds Ă apprendre cette langue dĂšs le plus jeune Ăąge. On ignore la cause exacte de ces taux Ă©levĂ©s de surditĂ©. Les mariages intrafamiliaux et le manque dâaccĂšs aux soins en sont des raisons possibles. Cependant, les villages voisins vivant dans des conditions similaires nâenregistrent pas les mĂȘmes taux de surditĂ©. Les villageois trouvent des explications intĂ©ressantes Ă ce phĂ©nomĂšne singulier qui touche leur communautĂ©. Certains pensent quâun dieu sourd rĂšgne sur le village et maudit les familles qui lâoffensent en leur donnant un enfant sourd. Un autre mythe affirme que la riviĂšre voisine est sacrĂ©e et que toute personne qui utilise son eau pour un usage domestique sera punie. On raconte encore que la graine de la surditĂ© aurait Ă©tĂ© semĂ©e il y a de nombreuses annĂ©es par un bel homme viril que les femmes trouvaient irrĂ©sistible. Alipur en Inde Ă Alipur, un village situĂ© dans lâĂ©tat de Delhi en Inde, les 20 000 rĂ©sidents utilisent la langue des signes dâAlipur APSL. Les citoyens sourds sâĂ©panouissent socialement, car ils peuvent se mĂȘler librement aux entendants Ă lâinverse de ce qui se fait dans de nombreuses sociĂ©tĂ©s, oĂč ils se seraient socialement isolĂ©s. Le dĂ©veloppement du langage des enfants sourds est ici entiĂšrement adaptĂ© Ă leur Ăąge. Ce qui est une formidable rĂ©ussite. Mais avec la multiplication des dĂ©placements pour aller travailler Ă lâextĂ©rieur du village et lâexplosion des rĂ©seaux sociaux, de plus en plus de jeunes mĂ©langent lâAPSL avec la langue des signes indienne et une version de lâASL utilisĂ©e Ă Bangalore. Certains linguistes en viennent donc Ă souligner la nĂ©cessitĂ© de prĂ©server les langues des signes de village. Notamment par le biais de programmes destinĂ©s Ă sensibiliser la communautĂ©. La prĂ©servation de la langue des signes Le risque, lorsquâon importe une langue des signes dans une rĂ©gion, est de causer du tort aux langues locales. Plusieurs langues indigĂšnes, parlĂ©es ou signĂ©es, sont ainsi en voie de disparition. La langue est inextricablement liĂ©e Ă la culture. De nombreuses personnes cherchent Ă protĂ©ger les langues indigĂšnes. Mais les langues des signes ont aussi la particularitĂ© que les enfants sourds naissent gĂ©nĂ©ralement de parents entendants. Il incombe donc aux membres de leur communautĂ© de prendre lâinitiative de leur apprendre la langue des signes. Documenter les langues locales leur permet dâaccĂ©der plus facilement Ă la langue de leurs ancĂȘtres et de leur communautĂ©. En Tanzanie, il Ă©tait interdit dâutiliser la langue des signes jusquâĂ ce quâelle soit dĂ©crĂ©tĂ©e langue dâinstruction officielle pour les Ă©lĂšves sourds en 2014. GrĂące au travail acharnĂ© de groupes de dĂ©fense ainsi que de lâassociation Chavita Kiswahili pour Tanzania Association of the Deaf » ou TAD, le premier dictionnaire numĂ©rique consacrĂ© Ă la langue des signes a Ă©tĂ© publiĂ© en 2020. Cet ouvrage en anglais et en kiswahili permettra Ă plus de monde dâapprendre la langue des signes et de mieux intĂ©grer les Ă©tudiants sourds dans la sociĂ©tĂ©. Dans le mĂȘme temps, un guide de mise en Ćuvre des programmes dans le secondaire a Ă©tĂ© publiĂ© pour favoriser une Ă©ducation plus inclusive pour les Ă©lĂšves sourds. Une nouvelle langue des signes La langue des signes bĂ©douine dâAl-Sayyid dans le dĂ©sert de NĂ©guev est une langue relativement nouvelle, ĂągĂ©e de tout juste 80 ans. Pour les linguistes, câest lâoccasion dâobserver se dĂ©velopper la complexitĂ© langagiĂšre en temps rĂ©el. Les villageois utilisent un ensemble commun de signes variant lĂ©gĂšrement dâune famille Ă lâautre. Câest un phĂ©nomĂšne typique pour une langue qui nâen est quâĂ ses dĂ©buts. Les linguistes scrutent les crĂ©ations et modifications de signes apportĂ©es par les familles pour voir quels changements perdureront. Le signe pour dire Ćuf, par exemple, se compose de deux gestes. Pendant quâon courbe lâindex dâune main prĂšs de sa bouche comme un bec, trois doigts de lâautre main retournĂ©e tiennent un objet invisible. Une famille a toutefois choisi de modifier le premier geste en utilisant trois doigts pour que le signe ressemble moins Ă un bec. De façon gĂ©nĂ©rale, le signe est plus efficace et plus fluide. Le reste du village a peu Ă peu adoptĂ© ce changement. En documentant des situations comme celles-ci, les linguistes espĂšrent pouvoir rĂ©pondre aux questions quâils se posent sur le dĂ©veloppement langagier. AprĂšs tout, Ă©tudier les langues nous apporte des connaissances sur le fonctionnement de lâesprit humain la maniĂšre dont nous Ă©laborons des idĂ©es, tissons des relations et communiquons. Certains enseignants venant dâailleurs ont commencĂ© Ă introduire la langue des signes internationale LSI dans les Ă©coles. Les hommes qui quittent le village pour aller travailler rapportent des signes dâautres rĂ©gions. Ces interactions rendent lâavenir de la langue des signes bĂ©douine dâAl-Sayyid incertain. *Dans cet article, le mot Sourd » nâa pas de majuscule, car la distinction sourd/Sourd nâexiste pas dans les cultures oĂč la surditĂ© nâest pas considĂ©rĂ©e comme une caractĂ©ristique distinctive. LâĂ©quipe HearingLikeMe Les auteurs de lâĂ©quipe HearingLikeMe rĂ©digent sur le blog des articles autour de la perte auditive. Ensemble, nous pouvons apprendre Ă mieux vivre avec et en dĂ©fendre la cause plus activement
Ia02Ek9.