Césaire dans son Discours sur le colonialisme (Réclame, 1950 5), et Fanon, dans Peau noire, masques blancs (Le Seuil, 1952), ont attaqué avec violence les théories de Mannoni. Mais Césaire avait déjà commencé à réagir contre l'image traditionnelle de l'humble serviteur dans les années trente, avec son Cahier d'un retour au pays natal. Il y critique l'image du « bon » nÚgre et
1A-t-on vraiment lu le Discours sur le Colonialisme ? Discours politique et idĂ©ologique ? Manifeste contre le colonialisme ? Sans rĂ©cuser ces lectures, je propose de le considĂ©rer aussi comme un tĂ©moignage de divers aspects de la pensĂ©e et de l’art cĂ©sairiens, et, ce faisant, de situer l’écrivain au point de convergence de l’engagement politique et de la pratique littĂ©raire. Le Discours et l’activitĂ© politique de CĂ©saire 2DĂšs 1945, CĂ©saire s’engage ardemment dans la vie politique sans pour autant nĂ©gliger l’activitĂ© poĂ©tique. Maire de Fort-de-France, dĂ©putĂ© communiste de la Martinique, il milite en faveur de la dĂ©partementalisation, terme qu’il prĂ©fĂšre Ă  celui d’assimilation. Il est l’un des promoteurs de la loi de dĂ©partementalisation, votĂ©e en 1946. Mais sa dĂ©ception est rapide et, la loi Ă©tant appliquĂ©e avec une lenteur extrĂȘme, il ne tarde pas Ă  s’éloigner Ă  la fois de la culture occidentale Europe, je donne mon adhĂ©sion Ă  tout ce qui n’est pas toi », Ă©crit-il alors et du Parti communiste auquel il reproche de se dĂ©sintĂ©resser de la spĂ©cificitĂ© des problĂšmes coloniaux, au profit de la lutte des classes et du combat contre le capitalisme 2 Lettre Ă  Maurice Thorez » ; publiĂ©e dans PrĂ©sence africaine en 1956, la Lettre » est citĂ©e int ... [N]otre lutte, la lutte des peuples colonisĂ©s contre le colonialisme, la lutte des peuples de couleur contre le racisme est beaucoup plus complexe — que dis-je ? d’une tout autre nature que la lutte de l’ouvrier français contre le capitalisme, et ne saurait en aucune maniĂšre ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme une partie [de la lutte des classes]2 » GenĂšse et publication du Discours 3Son Discours sur le Colonialisme, publiĂ© en 1950 pour la premiĂšre fois, dans la revue RĂ©clame est une Ɠuvre de circonstance et de commande 3 Propos rapportĂ© par G. Ngal dans AimĂ© CĂ©saire, un homme Ă  la recherche d’une patrie, PrĂ©sence Afri ... C’est un Ă©crit de circonstance [...] Contrairement Ă  ce que l’on croit, ce n’est pas un discours que j’aurais prononcĂ©. Un jour une revue de droite me demanda un article sur la colonisation - une revue qui croyait que j’allais faire l’apologie de l’entreprise coloniale. Comme on insistait, j’ai rĂ©pondu d’accord, mais Ă  condition de me laisser la libertĂ© de dire ce que je pensais. RĂ©ponse affirmative. Alors, j’ai mis le paquet et j’ai dit tout ce que j’avais sur le cƓur. C’était fait comme un pamphlet et un peu comme un article de provocation. C’était un peu pour moi l’occasion de dire ce que je parvenais pas Ă  dire Ă  la tribune de l’AssemblĂ©e nationale3 » 4Ce texte est, en effet, l’aboutissement du vain combat menĂ© par CĂ©saire Ă  l’AssemblĂ©e. 1950 y a Ă©tĂ© pour lui une annĂ©e d’activitĂ© intense et il a tentĂ© plus de quinze fois de faire entendre un point de vue cohĂ©rent pour dĂ©fendre la Martinique et dĂ©plorer l’échec de la dĂ©partementalisation. Mais il n’a pu que prendre acte de sa solitude et de l’incomprĂ©hension gĂ©nĂ©rale de ses collĂšgues. En tĂ©moigne ce bref dĂ©bat » 4 CitĂ© par G. Ngal dans Lire le Discours sur le Colonialisme, op. cit., p. 28 M. PaimbƓuf Que seriez-vous sans la France ?M. CĂ©saire Un homme Ă  qui on n’aurait pas essayĂ© de prendre sa libertĂ©...M. Theetten C’est ridicule !M. Caron Vous ĂȘtes un insulteur de la patrie !M. Bayrou Vous avez Ă©tĂ© bien heureux qu’on vous apprenne Ă  lire !M. CĂ©saire Ce n’est pas vous, M. Bayrou, qui m’avez appris Ă  lire, c’est grĂące au sacrifice de milliers et de milliers de Martiniquais, qui ont saignĂ© leurs veines pour que leurs fils aient l’instruction et pour qu’ils puissent la dĂ©fendre un jour4 » 5 Ed. PrĂ©sence africaine, 1955. C’est cette Ă©dition, souvent reprise sans changement, qui sert de rĂ© ... 5La publication du Discours passe inaperçue seules l’HumanitĂ© et Justice en publient quelques extraits. Il faut attendre l’édition en volume, en 1955, pour que ce texte connaisse un rĂ©el retentissement5 Le Discours fut suivi, en 1956, de deux importants prolongements idĂ©ologiques, la confĂ©rence Culture et Civilisation », prononcĂ©e en Sorbonne devant le CongrĂšs des Artistes et Écrivains noirs publiĂ©e dans PrĂ©sence Africaine en novembre et la Lettre Ă  Maurice Thorez », datĂ©e du 26 octobre, oĂč, posant entre autres le problĂšme de ses difficiles rapports avec le Parti communiste, CĂ©saire annonce sa dĂ©mission, sans rien renier, dit-il, ni du marxisme ni du communisme. En 1958, il fonde le PPM Parti Populiste Martiniquais et continuera Ă  siĂ©ger Ă  l’AssemblĂ©e comme non-inscrit ». Un rĂšglement de comptes 6Mon propos n’est pas d’entrer dans le dĂ©tail de ce contexte idĂ©ologique et historique, mais de rendre compte de la dĂ©marche de CĂ©saire et de tout ce qui sous-tend l’agressivitĂ© de sa rhĂ©torique militante. AgressivitĂ© qu’il assume pleinement dans une interview rĂ©cente Chaque application de la loi a Ă©tĂ© un combat presque humiliant. La France Ă©tait extrĂȘmement rĂ©ticente et j’ai un peu l’impression que nous avons fait un marchĂ© de dupes. J’ai pris acte de la dĂ©partementalisation et un beau jour j’ai dit Merde ! » C’est tout. Tout le monde a compris. » Le Monde, 12 avril 1994. 7Les choses sont nettes. Dire Merde » n’est pas Ă©crire un manifeste idĂ©ologique ni un discours politique. C’est un rĂšglement de comptes. Qu’on n’attende pas de CĂ©saire l’objectivitĂ© d’un exposĂ© solidement charpentĂ©, destinĂ© Ă  stigmatiser le colonialisme, Ă  proposer un programme de rĂ©habilitation de l’homme noir et de libĂ©ration des colonies. Les mĂ©faits du colonialisme, CĂ©saire et les peuples colonisĂ©s ne les connaissent que trop. Nul besoin de dĂ©monstration. Il lui suffira de rappeler des faits, de recueillir des tĂ©moignages sur les exactions des colonisateurs, sur la torture, sur les massacres de Madagascar, sur la guerre d’Indochine, sur l’aliĂ©nation culturelle et Ă©conomique, etc. De les rappeler Ă  qui ? Non certes aux victimes, qui ont vĂ©cu la colonisation au quotidien. Aussi bien, quelle que soit la lecture qui a Ă©tĂ© faite du Discours comme manifeste anticolonial, les colonisĂ©s n’en ont-ils pas Ă©tĂ© les seuls destinataires, peut-ĂȘtre mĂȘme pas les principaux ? Telle est l’hypothĂšse Ă  laquelle je veux m’attacher. 8Le fait que CĂ©saire est partagĂ© entre le dĂ©sir de proclamer tout ce qu’il n’a pas Ă©tĂ© en mesure de dire Ă  l’AssemblĂ©e nationale et de faire flĂšche de tout bois en Ă©coutant son tempĂ©rament de poĂšte irritable, ce fait explique sans doute l’évidente discordance entre la structure apparemment logique — je veux dire typographiquement — d’un texte qui se prĂ©sente avec une introduction, quatre chapitres et une conclusion, et d’autre part les explosions lyriques, les invectives, les mouvements de colĂšre, les nĂ©ologismes, les digressions, le cheminement Ă  sauts et Ă  gambades qui ne manquent pas de surprendre quiconque attendrait du Discours un dĂ©veloppement rationnel sur la question du colonialisme. L’anticolonialisme et le marxisme comme fondements idĂ©ologiques et argumentatifs 9Ce texte repose nĂ©anmoins sur deux fondements idĂ©ologiques, Ă©troitement associĂ©s l’anticolonialisme et le recours au marxisme. La question coloniale 6 Cahier d’un retour au pays natal, PrĂ©sence Africaine, 1983, p. 32. 10Objet affichĂ© du Discours, la question coloniale en constitue Ă©videmment la trame la plus constante, sans pourtant donner lieu Ă  un vĂ©ritable dĂ©bat. Compte tenu du destinataire prĂ©sumĂ© vu les conditions de publication, ce ne peut ĂȘtre que le lecteur occidental et du moment la dĂ©colonisation est en marche dans les annĂ©es cinquante, le problĂšme n’est pas envisagĂ© dans sa spĂ©cificitĂ©, il n’est que rarement posĂ©, comme un cas d’école », dans une perspective rhĂ©torique, historique p. 8-9 ou didactique p. 19-20. La colonisation existe. C’est un mal. Inutile de revenir sur les faits historiques, sur sa genĂšse, son Ă©volution. Les faits sont lĂ , ponctuels, condamnĂ©s, explicitement ou non, par un homme qui ne veut pas jouer au thĂ©oricien. Ils sont supposĂ©s connus, mais non exploitĂ©s dans le sens du pathos ou de l’appel Ă  la rĂ©volte. CĂ©saire ne s’écrie pas, comme dans le Cahier d’un retour au pays natal, Assez de scandale6... ». Aucun appel Ă  la nĂ©graille », pour laquelle la prise de conscience est assurĂ©e Les colonisĂ©s savent dĂ©sormais... » p. 8. 11Du dĂ©bat refusĂ© sur la colonisation, CĂ©saire ne retient que deux pĂ©titions de principes en rĂ©ponse au racisme ordinaire, l’apologie de l’identitĂ©, de la dignitĂ© et surtout de la culture des Noirs, dans des domaines oĂč, prĂ©cisĂ©ment, l’Occident tend Ă  les rejeter ; et d’autre part la certitude que le responsable de cet Ă©tat de faits, c’est la sociĂ©tĂ© bourgeoise qui, Ă  l’encontre de ses propres intĂ©rĂȘts et de sa morale a permis et entretient le colonialisme, sans s’apercevoir qu’elle-mĂȘme est menacĂ©e par d’autres formes de colonialisme, Ă©conomique ou fasciste. Le marxisme 12D’oĂč, dans la quĂȘte cĂ©sairienne, via le rappel du rĂŽle de la bourgeoisie, le recours idĂ©ologique au marxisme, sans cesse prĂ©sentĂ© comme rĂ©fĂ©rence ou espĂ©rance. Une partie importante du Discours s’inscrit dans le droit fil de la pensĂ©e et de la polĂ©mique marxistes, mĂȘme si CĂ©saire a l’habiletĂ© d’éviter la profession de foi. Ses liens s’affirment verbalement — attente de la RĂ©volution, p. 59 ; allusion Ă  l’URSS, p. 29 ; Ă  l’Afrique du RDA, p. 29 ; attaques contre l’AmĂ©rique, p. 5-58 ; persiflage contre les hommes politiques de la IVe RĂ©publique, Ă  l’exception des dĂ©putĂ©s communistes, p. 25-26 ; critique de l’Europe de la dĂ©mocratie chrĂ©tienne, p. 13 — avec une vĂ©hĂ©mence et une alacritĂ© qui peuvent faire songer Ă  CĂ©line 7 Violence verbale qui, au demeurant, caractĂ©rise une Ă©poque, et pas le seul CĂ©line. P. Fiala me rap ... Bigre, mes chers collĂšgues comme on dit, je vous ĂŽte mon chapeau mon chapeau d’anthropophage, bien entendu.Pensez donc ! quatre-vingt-dix mille morts Ă  Madagascar ! L’Indochine piĂ©tinĂ©e, broyĂ©e, assassinĂ©e, des tortures ramenĂ©es du fond du Moyen Age ! Et quel spectacle ! Ce frisson d’aise qui vous revigorait les somnolences ! Ces clameurs sauvages ! Bidault avec son air d’hostie conchiĂ©e — l’anthropophagie papelarde et Sainte-Nitouche ; Teitgen, fils grabeleur en diable, l’Aliboron du dĂ©cervelage - l’anthropophagie des Pandectes ; Moutet, l’anthropophagie maquignarde, la baguenaude ronflante et du beurre sur la tĂȘte ; Coste-Floret, l’anthropophagie faite ours mal lĂ©chĂ© et les pieds dans le plat [...]. Le beau travail ! Pas une goutte de sang ne sera perdue ! Ceux qui en font rubis sur l’ongle n’y mettant jamais d’eau. Ceux qui, comme Ramadier, s’en barbouillent - Ă  la SilĂšne - la face ; Fonlupt-Esperaber, qui s’en empĂšse les moustaches genre vieux-Gaulois-Ă -la-tĂȘte-ronde ; le vieux Desjardins penchĂ© sur les effluves de la cuve, et s’en grisant comme d’un vin doux. La violence ! celle des faibles7 » Stigmatiser une crise de civilisation 8 Une civilisation qui s’avĂšre incapable de rĂ©soudre les problĂšmes que suscite son fonctionnement ... 13Le marxisme de CĂ©saire ne se limite pourtant pas Ă  de telles violences verbales ou Ă  des rappels de faits. Il s’affirme aussi idĂ©ologiquement. Le combat anticolonialiste lui apparaĂźt indissociable du combat contre le capitalisme, le christianisme et le militarisme. Il place son espoir, aprĂšs la disparition d’une bourgeoisie dĂ©cadente, dans l’avĂšnement du prolĂ©tariat dans une sociĂ©tĂ© sans classe p. 59. À cet Ă©gard, ses propos reflĂštent fidĂšlement ceux de tous les militants communistes, au moment des guerres du Viet-Nam, de l’AlgĂ©rie, auxquelles il ne manque pas de faire allusion. Cette inspiration marxiste explique qu’il passe d’une dĂ©fense des peuples colonisĂ©s Ă  l’évocation de la menace de colonisation Ă©conomique que font peser les USA sur la planĂšte. On est dans la guerre froide ». La crise dĂ©noncĂ©e — coloniale ou Ă©conomique — ne saurait s’expliquer exclusivement par un processus social, ni par le simple constat de la situation de fait imposĂ©e Ă  l’homme noir dans son identitĂ© et sa culture, bafouĂ©es par l’Occident. Il est significatif que si le dernier mot du Discours est prolĂ©tariat », le premier ne soit pas colonisation », mais civilisation »8 et que l’introduction consiste en une mise en accusation de la civilisation europĂ©enne, dont l’évocation des abus du colonialisme, illustre, je dirai presque accessoirement, la perversitĂ©. La bourgeoisie en accusation 14Le Mal existe, sous des formes diverses, et c’est bien une crise de civilisation qui en est Ă  l’origine. Une crise de civilisation dont la responsable est la bourgeoisie. Si l’on y regarde de prĂšs, on constate en effet, que la critique de celle-ci est constante, associĂ©e, incidemment, Ă  une critique de ses alliĂ©s objectifs, la civilisation chrĂ©tienne p. 9, 12, 24 et l’armĂ©e p. 10, 17. Bien qu’elle ait Ă©tĂ© souvent, au cours de l’Histoire, un facteur de progrĂšs et de libĂ©ralisme, la bourgeoisie a cessĂ© de jouer ce rĂŽle et quel que soit le problĂšme posĂ© Ă  la sociĂ©tĂ© contemporaine, elle mĂ©rite d’ĂȘtre mise au premier rang des accusĂ©s. C’est ainsi qu’elle est responsable de la permanence du fait colonial tellement conforme Ă  ses intĂ©rĂȘts et que — chose plus grave encore — elle contribue Ă  l’entretenir et Ă  le justifier, Ă  la fois par hypocrisie et par bonne conscience ». Pervertissant le concept mĂȘme d’humanisme auquel elle ne cesse de se rĂ©fĂ©rer, elle agit ainsi par sottise ou aveuglement p. 30 et, plus souvent, par une soumission intĂ©ressĂ©e et inavouĂ©e au pouvoir Ă©conomique du capitalisme p. 22, 35, etc.. Elle contribue ainsi, sans en avoir conscience, Ă  sa propre rĂ©gression, encourant le risque d’avoir Ă  supporter la chosification » qu’elle impose volontiers Ă  autrui, sous les formes du nazisme et d’une sociĂ©tĂ© mercantile nĂ©ocolonialiste qui s’établit dans le monde Et puisque vous parlez d’usines et d’industries, ne voyez-vous pas, hystĂ©rique, en plein cƓur de nos forĂȘts ou de nos brousses, crachant ses escarbilles, la formidable usine, mais Ă  larbins, la prodigieuse mĂ©canisation, mais de l’homme, le gigantesque viol de ce que notre humanitĂ© de spoliĂ©s a su encore prĂ©server d’intime, d’intact, de non souillĂ©, la machine, oui, jamais vue, la machine, mais Ă  Ă©craser, Ă  broyer, Ă  abrutir les peuples ? » p. 58. Les trompeuses certitudes de l’Occident 15Dans tous les cas, la dĂ©cadence morale et matĂ©rielle de la bourgeoisie est inĂ©luctablement liĂ©e au soutien qu’elle apporte Ă  la colonisation. Sous l’apparence d’une mission civilisatrice, la bourgeoisie est, comme par un choc en retour, contaminĂ©e par ce que le processus de colonisation contient de dĂ©-civilisation » la simple observation de la sociĂ©tĂ© coloniale qui Ă©mane de la bourgeoisie permet d’induire que la sociĂ©tĂ© capitaliste Ă  son stade actuel est incapable de fonder un droit des gens, comme elle s’avĂšre impuissante Ă  fonder une morale individuelle ». 16Porteuse d’une apparente certitude morale, elle contribue Ă  la nĂ©gation mĂȘme de la morale Jamais l’Occident, dans les temps mĂȘme oĂč il se gargarise le plus du mot, n’a Ă©tĂ© plus Ă©loignĂ© de pouvoir assumer les exigences d’un humanisme vrai, de pouvoir vivre l’humanisme vrai, l’humanisme Ă  la mesure du monde. » p. 54. L’AmĂ©rique ou la RĂ©volution ? 17Comment donc combattre la redoutable influence d’une telle hydre, et, ce faisant, mettre fin Ă  la toute puissance du Mal, Ă  cette grande dĂ©gueulasserie » p. 58 que stigmatise CĂ©saire ? Peut-on attendre de la bourgeoisie qu’elle ait un autre objectif que de persĂ©vĂ©rer dans son ĂȘtre, Ă©goĂŻstement, aveuglĂ©ment, en ignorant qu’elle court Ă  sa perte dans cette politique la perte de l’Europe elle-mĂȘme est inscrite ». Perte, vaticine CĂ©saire, qui s’accomplira dans le triomphe du Barbare, du Barbare moderne [Ă ] l’heure amĂ©ricaine », faussement porteur d’une promesse de libĂ©ralisme. 18La seule espĂ©rance pourrait reposer — j’y reviens — dans la RĂ©volution ; celle qui Ă  l’étroite tyrannie d’une bourgeoisie dĂ©shumanisĂ©e, substituera, en attendant la sociĂ©tĂ© sans classes, la prĂ©pondĂ©rance de la seule classe qui ait encore mission universelle, car dans sa chair elle souffre de tous les maux de l’histoire, de tous les maux universels le prolĂ©tariat. » p. 59. Prendre les intellectuels au piĂšge de leur conscience et de leur culture 19Mais en attendant cette idĂ©ale union des prolĂ©taires de tous les pays, que faire ? Avec qui Ă©tablir un dialogue fĂ©cond ? Qui sont les chers amis » p. 58 que, tout au long du Discours, CĂ©saire veut Ă  la fois informer, mettre en garde et se concilier, par tous les moyens possibles, sinon les intellectuels ? Ces intellectuels, souvent bourgeois d’origine, ignorent qu’ils servent de caution Ă  la bourgeoisie et ils mĂ©connaissent leur propre responsabilitĂ©. 20Le Discours, Ă  la diffĂ©rence du Cahier, veut donner Ă  penser, plutĂŽt qu’à sentir. Ainsi s’expliquent, par l’objectif poursuivi et par la prise en compte de la situation rĂ©elle, certaines caractĂ©ristiques du fonctionnement de ce texte d’une part, le nombre Ă©levĂ© et la nature des citations qui illustrent le propos de CĂ©saire ; d’autre part, l’importance accordĂ©e au jeu dialectique entre les bribes d’un raisonnement relativement abstrait et de faits concrets, indĂ©niables ; et enfin le caractĂšre de dialogue ad hominem, voire de complicitĂ©, de clins d’Ɠil, que prend ce non-plaidoyer » d’un intellectuel s’adressant Ă  ses semblables. 21Le but est, au total, de prendre le lecteur intellectuel au piĂšge d’un examen de conscience — de mauvaise conscience — afin qu’il se rende compte du rĂŽle de dupe que, dans la stratĂ©gie de la bourgeoisie, il joue comme alliĂ© objectif et parfois involontaire de celle-ci. Il conviendrait d’analyser ici chacun de ses procĂ©dĂ©s, afin de voir fonctionner la dialectique de CĂ©saire. Faute de pouvoir ici proposer l’édition critique que mĂ©riterait ce texte riche en allusions diverses au point d’en devenir parfois obscur aujourd’hui, je me contenterai de prendre quelques exemples, montrant bien que le destinataire principal en est le lecteur intellectuel. Le jeu des citations et des rĂ©fĂ©rences 22En multipliant citations et rĂ©fĂ©rences, CĂ©saire qui a beaucoup lu, entend s’appuyer sur un matĂ©riau que le lecteur cultivĂ© ne saurait rĂ©cuser puisqu’il Ă©mane de la sociĂ©tĂ© Ă  laquelle il appartient et qu’il correspond au fonctionnement d’une culture livresque. La plupart de ses rĂ©fĂ©rences seraient sans intĂ©rĂȘt dans un texte destinĂ© Ă  un lecteur non initiĂ© aux codes et valeurs culturels de l’Occident, disons, pour faire court, Ă  un lecteur noir. En revanche, pour parler Ă  l’intellectuel occidental d’un problĂšme qu’il connaĂźt mal — les mĂ©faits de la colonisation —, citations et rĂ©fĂ©rences l’introduisent dans un domaine et un mode de penser qui lui sont relativement familiers, celui de ses semblables, et visent Ă  mettre en Ă©vidence les erreurs de ces derniers. 23Sa thĂšse Ă©tant que le parti intellectuel » est engagĂ© comme caution, sinon comme acteur, dans le fait colonial, CĂ©saire, par souci d’efficacitĂ©, ne fait guĂšre appel Ă  la caution d’écrivains manifestement engagĂ©s de son cĂŽtĂ© tel est le cas de Frobenius, incidemment de Baudelaire, et surtout de LautrĂ©amont dont l’ implacable dĂ©nonciation d’une forme trĂšs prĂ©cise de sociĂ©tĂ© » lui semble mĂ©connue en raison des commentaires occultistes et mĂ©taphysiques qui l’offusquent » p. 45. Encore moins, a fortiori Ă  des Ă©crits de Noirs la seule exception est Cheikh Anta Diop, dans une note ajoutĂ©e en 1955. En revanche, dans ses rĂ©fĂ©rences, toutes les composantes de la sociĂ©tĂ© et de la pensĂ©e bourgeoises » sont reprĂ©sentĂ©es, avec un Ă©chantillonnage d’absurditĂ©s ou de monstruositĂ©s philosophes, sociologues, gĂ©ographes, hommes d’Église ou penseurs chrĂ©tiens, journalistes, militaires rĂ©pondent Ă  son appel. 24Le choix mĂȘme des Ă©crivains citĂ©s est intĂ©ressant. Le lecteur de CĂ©saire sera d’autant plus sensible Ă  l’absurditĂ© de leur propos qu’ils Ă©manent d’hommes dont les noms lui sont familiers, en raison de leur place dans l’échelle des valeurs occidentales un LĂ©vy-Bruhl, un Caillois, un Renan, un Joseph de Maistre, un Quinet, voire le journaliste Yves Florenne, peu suspects les uns et les autres de racisme primaire, appartiennent Ă  une intelligentsia française que CĂ©saire veut inquiĂ©ter, voire perturber. D’autre part, il ne manque pas de noter, chaque fois qu’il le peut, le lien de certains rĂ©fĂ©rents avec des groupes sociaux reprĂ©sentatifs des valeurs reconnues par la sociĂ©tĂ© bourgeoise, - l’ArmĂ©e, l’Église, l’UniversitĂ©, Psichari, soldat d’Afrique », M. Jules Romains, de l’AcadĂ©mie française et de la Revue des Deux-Mondes », le R. P. Tempels, missionnaire et belge »... 25À partir de phrases bien choisies, parfois trop habilement extraites, convenons-en, de leur contexte, il leur assigne pour rĂŽle de rendre perceptibles l’ignominie ou la sottise d’une sociĂ©tĂ© qui les consacre. MĂ©thode fastidieuse, sans doute, mais efficace puisque, au banc des accusĂ©s, en flagrant dĂ©lit, sont convoquĂ©s d’éminents porte-parole d’une bourgeoisie dont, indirectement, ils illustrent l’inavouable consensus, en mĂȘme temps qu’il confirment le postulat selon lequel la bourgeoisie en tant que classe est condamnĂ©e [...] Ă  prendre en charge toute la barbarie de l’histoire » p. 346. Les intellectuels pris au piĂšge 26DĂšs lors, l’objectif de CĂ©saire est de convaincre les intellectuels qu’ils se sont fait piĂ©ger ; il est moins de les mettre en accusation que de leur faire entrevoir qu’ils se sont fait manƓuvrer et que, malgrĂ© qu’ils en aient, ils se font les soutiens involontaires d’une mauvaise cause N’essaie pas de savoir si ces messieurs sont personnellement de bonne ou de mauvaise foi, s’ils sont personnellement bien ou mal intentionnĂ©s, s’ils sont personnellement, c’est-Ă -dire dans leur conscience intime de Pierre ou Paul, colonialistes ou non, l’essentiel Ă©tant que leur trĂšs alĂ©atoire bonne foi subjective est sans rapport aucun avec la portĂ©e objective et sociale de la mauvaise besogne qu’ils font de chiens de garde du colonialisme. » p. 32. 27Pour les convaincre, il va soit mettre sous leurs yeux telle phrase qui, isolĂ©e de son contexte, ne peut que susciter la rĂ©probation d’un honnĂȘte homme, soit les mettre en face de leurs contradictions, voire de leur lĂąchetĂ©. Ainsi des variations » de LĂ©vy-Bruhl, de Gourou qui, aprĂšs avoir exprimĂ© des vues justes », donne l’impression de filer doux », par prudence p. 34-35. Parfois aussi il leur fait entrevoir les redoutables prolongements d’une pensĂ©e philosophique perverse. Ainsi du PĂšre Tempels qui porte un regard favorable sur le monothĂ©isme indigĂšne parce, de cette façon, le Dieu bantou sera garant de l’ordre colonialiste belge et [que] sera sacrilĂšge tout bantou qui osera y porter la main » p. 37 ; de Mannoni qui utilise la psychanalyse pour, louant le respect de l’AncĂȘtre chez les Malgaches, leur proposer, tacitement, un pĂšre de substitution le colonisateur p. 38 ; ainsi de Caillois, dĂ©fenseur des cultures indigĂšnes, sous la forme de la musĂ©ographie et de l’ethnographie, sans se rendre compte qu’ il eĂ»t mieux valu laisser [les indigĂšnes] se dĂ©velopper que de nous en donner Ă  admirer, dĂ»ment Ă©tiquetĂ©s, les membres Ă©pars, les membres morts » p. 52. On pourrait multiplier les exemples. Chacun des textes que cite CĂ©saire, avec une connotation tantĂŽt ironique, tantĂŽt rĂ©probatrice, est analysĂ© avec acuitĂ© en vue de persuader. Le discours du pamphlĂ©taire se double de celui d’un redoutable dialecticien qui entraĂźne le lecteur dans une sorte de tourbillon. La dialectique cĂ©sairienne 28Alternant avec des pages vĂ©hĂ©mentes, on trouve des raisonnements assez rigoureux qui ont eux aussi pour but de retenir l’attention, puis l’adhĂ©sion des intellectuels. C’est ainsi qu’au principe d’autoritĂ© ou aux sensibleries dont il sait la vanitĂ©, CĂ©saire prĂ©fĂšre une mĂ©thode plus subtile consistant Ă  dialoguer avec le lecteur, Ă  l’introduire dans le dĂ©bat aussi discrĂštement que possible, sans didactisme excessif. Il cherche Ă  convaincre Ă  force d’évidences ou d’interprĂ©tations personnelles destinĂ©es Ă  dĂ©monter le mĂ©canisme de son raisonnement. Il s’efforce de dĂ©crypter les pensĂ©es secrĂštes des Ă©crivains mis en cause tout en s’abritant lui-mĂȘme derriĂšre des formules du genre il vaudrait la peine d’étudier... p. 12, Ă©tait-il inutile de... p. 16, je sais tout ce qu’il y a de fallacieux... p. 56. 29Ou encore, en rĂ©ponse Ă  des propos rapportĂ©s parce qu’ils lui semblent arbitraires, il oppose des faits historiquement incontestables ainsi Ă  propos de l’esprit scientifique, p. 50 ou des faits de civilisation avĂ©rĂ©s chez les colonisĂ©s p. 30. 30Habile dialecticien ou pĂ©dagogue ? ou maĂŻeuticien ? il tente aussi d’emporter l’adhĂ©sion en adoptant un parti-pris de transparence, en mettant en lumiĂšre son propre cheminement, le progrĂšs de sa pensĂ©e, voire son embarras ou ses hĂ©sitations. Il espĂšre ainsi prĂ©venir la critique et conserver Ă  son discours Ă©crit le caractĂšre oral qu’il aurait pu ou dĂ» avoir s’il avait Ă©tĂ© prononcĂ© Ă  l’AssemblĂ©e nationale. Bien des formules tĂ©moignent de son dĂ©sir de maintenir un contact avec un lecteur/auditeur qu’il imagine Ă  la fois attentif et surpris Je fais..., pour ma part, si j’ai rappelĂ© [...], c’est parce que je pense... p. 17, je parle de..., je cherche vainement oĂč j’ai pu tenir de tels discours... p. 22, dans cet ordre d’idĂ©es, je cite... p. 32, n’allons pas trop vite... p. 33, je n’exagĂšre rien... p. 40 », etc. 31Dans tous les cas, si sa volontĂ© d’emporter l’adhĂ©sion est manifeste, il Ă©vite d’apparaĂźtre comme un doctrinaire. Mettre le lecteur face Ă  l’évidence ne suffit pas ; celui-ci doit ĂȘtre amenĂ© Ă  reconnaĂźtre le rĂŽle que lui fait jouer une bourgeoisie tout aussi machiavĂ©lique que lui-mĂȘme, lecteur, peut ĂȘtre naĂŻf. Les attaques menĂ©es contre Caillois et Florenne, Ă©crivains peu suspects, le premier surtout, de collusion avec le colonialisme, rĂ©pondent Ă  ce dĂ©sir de dĂ©mystifier la relation bourgeoisie/intelligentsia, c’est-Ă -dire, en fin de compte, d’éloigner de cette bourgeoisie ceux qui involontairement lui apportent leur caution intellectuelle, pour la laisser seule face Ă  sa sottise et Ă  son Ă©goĂŻsme. L’objectif est de susciter une rĂ©sistance de l’intĂ©rieur. Le martĂšlement du poĂšte militant 32Pour cela, il faut que le lecteur se sente en confiance, qu’il soit comme dĂ©sarmĂ© par la spontanĂ©itĂ© de CĂ©saire. Aussi ce dernier refuse-t-il de rĂ©duire le Discours Ă  un dĂ©bat politique. C’est aussi la prise de parole d’un homme, d’un Ă©crivain profondĂ©ment engagĂ© et tĂ©moin de son temps. La coexistence de deux comportements, l’un idĂ©ologique, l’autre personnel, lui donnent son allure de pamphlet, mais paradoxalement cette intrusion du tempĂ©rament de CĂ©saire contribue Ă  accroĂźtre la force dĂ©monstrative du Discours, en discordance avec l’apparente rigueur scientifique qu’il aurait souhaitĂ© donner Ă  ce message adressĂ© aux intellectuels europĂ©ens. 9 Voir la description de quelques-uns de ces procĂ©dĂ©s chez G. Ngal, Lire le Discours sur le Colonial ... 10 Ces deux textes sont citĂ©s intĂ©gralement dans le livre de Ngal. 33Le sujet est trop brĂ»lant pour que la fougue du poĂšte respecte l’unitĂ© de ton qui eĂ»t convenu au politique. Injure, sarcasme, ironie, fausse bonhomie de commentaires insidieux, Ă©loquence contrĂŽlĂ©e ou nuancĂ©e de familiaritĂ© forme d’anti-Ă©loquence, jaillissement de nĂ©ologismes truculents et percutants, martĂšlement des idĂ©es et apparente prise de distance par rapport Ă  elles autant de procĂ©dĂ©s qui auraient mĂ©ritĂ© une description plus minutieuse, hors de propos ici9 Leur accumulation est significative, surtout si l’on compare le Discours Ă  la fermetĂ©, voire Ă  la rigueur du raisonnement cĂ©sairien dans les textes contemporains que sont les discours Culture et civilisation » et Lettre Ă  Maurice Thorez »10 11 L’ActualitĂ© de Franz Fanon, Actes du Colloque de Brazzaville, Karthala, 1986, p. 155-168. 34MĂȘme si le Discours est, idĂ©ologiquement, peu contestable et a Ă©tĂ© reconnu par les militants de la NĂ©gritude comme un texte fondateur, sa structure et son Ă©criture baroques », dĂ©concertantes parfois, ne sont pas le fait d’un doctrinaire malhabile Ă  exposer sa pensĂ©e ou peu apte Ă  contrĂŽler ses excĂšs de passion. Il s’inscrit dans le prolongement du cri lancĂ© dans le Cahier Accommodez-vous de moi. Je ne m’accommode pas de vous ! » p. 33. Il relĂšve de ce que, Ă  propos de Fanon, j’ai appelĂ© une rhĂ©torique du combat11 ». 35Il associe une explosion lyrique, Ă  mettre au compte de la poĂ©sie militante, et l’exposĂ© d’une certitude doctrinale. CĂ©saire n’y est plus seulement l’homme politique, ni le thĂ©oricien de la NĂ©gritude ce jaillissement d’idĂ©es passionnĂ©es et d’images logiques fait un peu songer aux interminables et jamais stĂ©riles dĂ©bats entre intellectuels, comme CĂ©saire en pratiqua Ă  Louis-le-Grand ou Ă  l’École normale, un dĂ©bat comparable Ă  ceux qui, dans les mĂȘmes annĂ©es, opposĂšrent Sartre, Camus et tant d’autres, un dĂ©bat oĂč chacun, se sachant intellectuel — donc diffĂ©rent —, tente par tous les moyens de se faire entendre. C’est bien dans le parti intellectuel » que, adroitement ou non, mais, Ă  coup sĂ»r, passionnĂ©ment, CĂ©saire a cherchĂ© le principal destinataire de son Discours...
5Le scĂ©nario pragmatique des figures pathiques dans le pamphlet. 6 En fait, quand on analyse un pamphlet comme le Discours sur le colonialisme de CĂ©saire, on constate rapidement qu’il n’intĂšgre pas des figures dĂ©jĂ  pathiques en elles-mĂȘmes, mais que la dimension et les effets pathiques de ces derniĂšres Ă©manent avant tout de leur mise en texte, Ă©tant bien entendu [pdf-embedder url= » » title= »AimĂ© Cesaire Discours sur le Colonialisme-1″] **Une civilisation qui s’avĂšre incapable de rĂ©soudre les problĂšmes que suscite son fonctionnement est une civilisation dĂ©cadente. **Une civilisation qui choisit de fermer les yeux Ă  ses problĂšmes les plus cruciaux est une civilisation atteinte. **Une civilisation qui ruse avec ses principes est une civilisation moribonde. Pour ma part, si j’ai rappelĂ© quelques dĂ©tails de ces hideuses boucheries, ce n’est point par dĂ©lectation morose, c’est parce que je pense que ces tĂȘtes d’hommes, ces rĂ©coltes d’oreilles, ces maisons brĂ»lĂ©es, ces invasions gothiques, ce sang qui fume, ces villes qui s’évaporent au tranchant du glaive, on ne s’en dĂ©barrassera pas Ă  si bon compte. Ils prouvent que la colonisation, je le rĂ©pĂšte, dĂ©shumanise l’homme mĂȘme le plus civilisĂ© ; que l’action coloniale, l’entreprise coloniale, la conquĂȘte coloniale, fondĂ©e sur le mĂ©pris de l’homme indigĂšne et justifiĂ©e par ce mĂ©pris, tend inĂ©vitablement Ă  modifier celui qui l’entreprend ; que le colonisateur qui, pour se donner bonne conscience,












































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CESAIREAimĂ© - Discours sur le colonialisme. ‎CESAIRE Aimé‎ ‎Discours sur le colonialisme.‎ From same author All books of this bookseller 5 book(s) with the same title PDF ‎PrĂ©sence Africaine 1955, collection " le colonialisme ", livret broche de 72 pages, couverture orange, bel exemplaire. ‎ Reference : AL785 ‎Plus de photos sur demande.‎ €20.00 AccĂšs Livre. La
Discourse on Colonialism is an essay by AimĂ© CĂ©saire, a poet and politician from Martinique . Discours sur le colonialisme ” d’AimĂ© CĂ©saire”. L’Histoire. Originally published as Discours sur le colonialisme by Editions Presence Africaine, COPYRIGHT From a AN INTERVIEW WITH AIMÉ CÉSAIRE. AimĂ© CĂ©saire Discours sur le colonialisme [Discourse on Colonialism] words. Bronwyn Winter University of Sydney. Download PDF. Author Arashibar Mazuzahn Country El Salvador Language English Spanish Genre Life Published Last 8 May 2017 Pages 13 PDF File Size Mb ePub File Size Mb ISBN 559-9-49548-790-1 Downloads 88669 Price Free* [*Free Regsitration Required] Uploader Digami De quelques mots convenus, on vous le poignarde. Le petit bourgeois ne veut plus rien entendre. Encore une fois, rassurez- vous! Rather than elevating the non-Western world, the colonizers de-civilize the colonized. Traduit en patois journalistique, on obtient du Faguet Que chacun fasse ce pour quoi il est fait, et tout ira bien. For some examples showing that this is possible, we can look to the Soviet Union “. Cesaire discusses the relationship between civilization and savagery and points out the hypocrisy of colonialism. Et le filtre ne laisse passer que ce qui peut alimenter la couenne de la bonne conscience bourgeoise. Et balaie-moi tous les obscurcisseurs, tous les inventeurs de subterfuges, tous les charlatans mystificateurs, tous les manieurs de charabia. Monthly Review Press, De belles phrases solennelles et froides comme des siscours, on vous ligote le Malgache. Tout le colonialismf y gagne Retrieved 23 September Quoi donc, sinon la charge du monde? Savoir la naissance de la chimie chez les Arabes. De la sculpture Shongo? He writes that Hitler differed in the eyes of the Europeans because he “applied to Europe colonialist procedures which until then had been reserved exclusively for the Arabs of Algeriathe coolies of India and the niggers of Africa”, meaning that, by persecuting white Europeans, Hitler produced violence most commonly colonialiske for non-white populations. Full text of “D iscours sur le colonialisme” http De Gourou, son livre Et alors, je le demande Due to its “harsh tone and radical statements”, [8] the essay has been compared to “a declaration of war”. Eh colonialise, oui, parlons-en. Retrieved from ” https Le chiffonnier de Baudelaire He writes in poetic prose as, “a method of achieving clairvoyance, of obtaining the knowledge we need to move forward”. University of Miami, Les investissements massifs de capitaux! Pas une goutte de sang ne sera perdue! Mais alors, je pose la question suivante Oui ou non, ces faits sont-ils vrais? Caillois est en bonne compagnie. This page was last colonialismr on 14 Decemberat From Wikipedia, the free encyclopedia. Additionally, he referred to Marxist eiscours and criticized the ” bourgeoiscapitalistic European culture and said that capitalism would always disintegrate into Nazism”. Le chiffonnier de Baudelaire. An Independent Socialist Magazine Vous allez au Congo? Et le silence se fait profond comme un coffre-fort! Vrai ou pas vrai? FileAimĂ© CĂ©saire, Discours sur le – Wikimedia Commons Personne, que je sache, lorsque M. Views Read Edit View history. Je crois pouvoir le dire. Caillois entre en campagne. Mais il y a pour ces messieurs un malheur. Bon dos Junger et les autres. Caillois tient la rectification pour nulle et non avenue. Discourse on Colonialism French By using this site, you agree to the Terms of Use and Privacy Policy. Vous connaissez la rengaine
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Césaire Aimé - Discours sur le colonialisme.pdf. Sign In. Details

Discourse on Colonialism is an essay by AimĂ© CĂ©saire, a poet and politician from Martinique . Discours sur le colonialisme ” d’AimĂ© CĂ©saire”. L’Histoire. Originally published as Discours sur le colonialisme by Editions Presence Africaine, COPYRIGHT From a AN INTERVIEW WITH AIMÉ CÉSAIRE. AimĂ© CĂ©saire Discours sur le colonialisme [Discourse on Colonialism] words. Bronwyn Winter University of Sydney. Download PDF. Author Togor Tojazil Country Kenya Language English Spanish Genre Love Published Last 13 June 2011 Pages 323 PDF File Size Mb ePub File Size Mb ISBN 981-4-58971-664-3 Downloads 43537 Price Free* [*Free Regsitration Required] Uploader Voodoora Due to its “harsh tone and radical statements”, [8] the essay has been compared to “a declaration of war”. On obtiendra cette merveille Eh bien, oui, parlons-en. By using this site, you agree to the Terms of Use and Privacy Policy. Enfin, ultime motif de satisfaction. Savoir la naissance de la chimie chez les Arabes. Retrieved 23 September Vous connaissez la rengaine De quelques mots convenus, on vous le poignarde. Save this article Vrai ou pas vrai? Caillois est en bonne compagnie. Pas une goutte de sang ne sera perdue! Et alors, je le demande Additionally, he referred to Marxist theory and criticized the ” bourgeoiscapitalistic European culture and said that capitalism would always disintegrate into Nazism”. Vous allez au Congo? Une civilisation qui ruse avec ses sug est une civilisation moribonde. Et colojialisme filtre ne laisse passer que ce qui peut alimenter la couenne de la bonne conscience bourgeoise. Full text of “D iscours sur le colonialisme” http Traduit en patois journalistique, on obtient du Faguet Le chiffonnier de Baudelaire Oui ou non, ces faits sont-ils vrais? Personne, que je sache, lorsque M. Discourse on Colonialism – Wikipedia Et balaie-moi tous les obscurcisseurs, tous les inventeurs de subterfuges, tous les charlatans mystificateurs, tous les manieurs de charabia. From Wikipedia, the free encyclopedia. Comparaison idiote pour comparaison idiote Plus de crise cesairw Mais il y a pour ces messieurs un malheur. This page was last edited on 14 Decemberat Mais alors, je pose la question suivante Bon dos Junger et les autres. Literary Encyclopedia Discours sur le colonialisme De lr musique africaine. An Independent Socialist Magazine Il vaut la peine de suivre quelques-uns de ces messieurs. Retrieved from ” https Caillois tient la rectification pour nulle et non avenue. Les psychologues, sociologues, etc. He writes that Hitler differed in the eyes of the Europeans because he “applied to Europe colonialist procedures which until then had been reserved exclusively for the Arabs of Algeriathe coolies of India and the niggers of Africa”, meaning that, by persecuting white Europeans, Hitler produced violence most commonly reserved for non-white populations. Pour ce qui est de M. Ces Bantous sont de purs esprits, vous dis-je Views Read Edit View history. Le petit bourgeois ne veut plus rien entendre. Webarchive template wayback links Articles containing French-language text. Preuve que le mal vient de plus loin.

En1950, AimĂ© CĂ©saire publie le "Discours sur le colonialisme", charge virulente et analyse implacable de l’idĂ©ologie colonialiste. Le poĂšte et homme politiq
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Discourssur le colonialisme Voici un extrait du Discours sur le colonialisme d’aimĂ© cĂ©saire, publiĂ© en 1950. À cette Ă©poque, aimĂ© cĂ©saire Ă©tait dĂ©putĂ© de la martinique. lis-le, puis rĂ©ponds aux questions. « il faudrait d’abord Ă©tudier comment la colonisation travaille Ă  dĂ©civiliser le colo-
Miscellaneous Prose by Aimé Césaire Published 2018-09-26 Click here to download Additional information about this document Property Value Authors Aimé Césaire Title Discours sur le colonialisme Sources Aimé CésaireDiscours sur le colonialisme1955; English translation 1957 Contributions n/a Published 2018-09-26 First posted on CODOH Sept. 26, 2018, 835 Last revision n/a Comments n/a Appears In Downloads Books French Effects War Miscellaneous Prose Mirrors n/a Download n/a
Discourssur le colonialisme d’AimĂ© CĂ©saire, 1950 – Texte intĂ©gral en version PDF JBL1960 Samedi 20 Octobre 2018 Discours sur le colonialisme d'AimĂ© CĂ©saire, 1950 dans une nouvelle version PDF N° 78 de 38 pages Les mots, rien que les mots d'AimĂ© CĂ©saire Les mots prolongement de sa pensĂ©e visionnaire, forts, puissants, nĂ©cessaires et utiles plus que jamais 1ĂšreFiche de rĂ©vision analyse linĂ©aire discours sur le colonialisme AimĂ© CĂ©saire Ce contenu est seulement disponible dans l'appli Knowunity. Ouvrir l'appli Commentaires (1) Enregistrer 22 fiche rĂ©vision oral de français discours sur le colonialisme aimĂ© cĂ©saire Contenus similaires M Français 3 types et forme de phrase 4e Français 4
AimĂ©CĂ©saire, Discours sur le colonialisme, 1950. Édition PrĂ©sence africaine . P 7 Une civilisation qui s'avĂšre incapable de rĂ©soudre les problĂšmes que suscite son fonctionnement est un civilisation dĂ©cadente. Une civilisation qui choisit de fermer les yeux Ă  ses problĂšmes les plus cruciaux est une civilisation atteinte. Une civilisation qui ruse avec ses principes est une
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